Après le charbon et le pétrole, une nouvelle ère de production d’électricité semble émerger.
En effet, d’après le rapport de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) sorti le 16 octobre 2024, plus de la moitié de l’électricité mondiale proviendra d'une source bas carbone d’ici 2030.
Elle explique cette projection notamment grâce au regain de l’intérêt pour l’énergie nucléaire de la part de plusieurs pays. L’on assiste par ailleurs dans le monde à un développement de plus en plus conséquent des sources de production propres.
Cette évolution croissante ne fait que répondre à des usages toujours plus énergivores : intelligence artificielle, climatisation, mobilité… Tous les secteurs ont soif d’électricité.
Néanmoins, sur beaucoup d’aspects, la marche semble encore bien haute pour ne plus avoir besoin du fossile dans un futur à court ou moyen terme.
Est-on vraiment sur le point de changer de paradigme énergétique ?
A ce jour, la réponse est non. Malgré la croissance indéniable des énergies renouvelables et décarbonées, le monde est encore loin de la neutralité carbone visée pour 2050. En 2023, les 2/3 de l’augmentation de la demande en énergie ont été satisfaits par des combustibles fossiles.
La position des pays producteurs d’or noir est d’ailleurs bien plus réservée que celle de l’AIE. Ils qualifient même de ‘‘fantasmes’’ cette prévision. (OPEP – septembre 2024)
A cette occasion, Amin Nasser, le PDF de Saudi Aramco, affirme que le développement du solaire et de l’éolien nécessite des dépenses exorbitantes pour des résultats qui selon lui restent anecdotiques.
Evidemment, l’AIE se défend de toute critique en soulignant que ses études sont basées sur de nombreuses données et les tendances observées autour du globe.
En a-t-on vraiment fini des énergies fossiles ?
Cela dépend de l’énergie à laquelle on fait référence. Pour ce qui est du charbon, les avis convergent pour estimer que son déclin est bien enclenché. Pour preuve : la Chine, jusqu’ici premier consommateur, se tourne désormais vers les énergies renouvelables (ENR), notamment le solaire. En 2023, les nouvelles installations d’ENR sont allées jusqu’à représenter 86% des ajouts de capacité électriques mondiales. La deuxième puissance économique représente aujourd’hui à elle seule près des 2/3 de la progression du renouvelable à l’échelle planétaire (297GW).
Son rôle est si important dans ce contexte en évolution, que son utilisation accrue des véhicules électriques a pour la première fois fait reculer la demande de pétrole dans le pays.
Concernant le pétrole justement, les arguments s’opposent davantage. Jadis alignés sur leurs scenarios prévisionnels, l’AIE et l’OPEP ont désormais des avis bien divergents.
L’agence estime une chute de la demande de pétrole presque imminente, quand l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole voit la demande croitre de quelques 17% d’ici 2050.
D’autres voix chez BP ou TotalEnergies anticipent de leur côté un pic de consommation entre 2030 et 2040.
D’après Matthieu Auzanneau, directeur de The Shift Project, un Think Tank autour de la transition énergitique, ‘‘la tendance de déclin du gaz et du pétrole n’est actuellement que virtuelle’’.
Chaque acteur du secteur reste donc campé sur ses positions, tandis qu’aucun scenario franc ne semble se définir.
Pour le gaz enfin, l’avenir de la demande mondiale reste incertain. En effet, bien qu’il s’agisse là d’une énergie fossile, la demande mondiale devrait atteindre de nouveaux pics en 2024 et 2025. Pourtant les pays de l’OCDE comme ceux de l’Union Européenne, voient leur consommation chuter. Mais cette diminution devrait être contrebalancée par l’augmentation attendue auprès des pays émergents et en développement. L’essor et la croissance économique de l’Inde par exemple, rebattra sans doute les cartes du déclin ou non de ce type d’énergie, avec des problématiques logistiques inédites pour cette région du monde : adaptation des réseaux, capacités de stockage, investissements…
Des efforts à poursuivre et à accélérer
Pour certains comme l’AIE, le développement plus rapide que prévu des énergies renouvelables est une des raisons qui laissent croire à un changement de paradigme imminent.
Entre 2024 et 2030, le monde devrait déployer trois fois plus de capacités électriques qu’entre 2017 et 2023, soit 5 500 GW.
Dans les pays industrialisés, on note d’ores et déjà une décroissance du fossile : le charbon depuis les années 1990 et un pic de pétrole en 2007.
D’après l’AIE, la part des énergies fossiles dans l’approvisionnement énergétique planétaire devrait passer de 80 à 73% d’ici 2030. Encourageant mais encore insuffisant quand on sait qu’il faudrait une baisse de 25% pour respecter l’accord de Paris sur le climat.
Dans ce même scenario, le pic des émissions de CO2 liées à l’énergie devrait être constaté en 2030.
Le chemin est encore long avant d’atteindre la neutralité carbone, mais les bouleversements des usages à travers le monde encouragent à penser autrement les moyens de production.