87% des Français sont convaincus par le changement climatique. C’est une excellente nouvelle, car d’ici 2035, la production d’électricité bas-carbone devra atteindre au moins 600 TWh par an.
A titre de comparaison, la consommation de la France pour l’année 2022 a été de 460 TWh. Nous parlons donc de 140 TWh en l’espace de 13 ans. Beau programme.
Cette forte augmentation prévisionnelle, nous la devons à l’indispensable transition énergétique vers le renouvelable. En effet, pour répondre à la fois aux objectifs définis par l’accord de Paris et à ceux du traité Fit For 55, il est nécessaire de se défaire une bonne fois pour toute du charbon, et plus globalement des énergies fossiles.
Comment organiser le défi vital de la transition énergétique ?
D’après le rapport publié par RTE le 7 juin 2023 (dont la version finale sera disponible en septembre prochain), l’atteinte des objectifs précités ne pourra s’effectuer qu’en alliant conjointement les quatre piliers suivants :
- La sobriété
- L’efficacité énergétique
- L’optimisation de la production nucléaire existante
- L’accélération du développement des énergies renouvelables
Si les deux premiers points relèvent à grande échelle de démarches individuelles, les suivants dépendront eux, d’actions sérieuses et fortes de la part des pouvoirs publics.
Nous parlons ici d’un accroissement de la capacité de production électrique d’au moins 10TWh par an entre 2025 et 2035. Cela correspond par exemple à quasiment la production de l’ensemble de la filière solaire pour l’année 2019 (qui était de 11,6 TWh). Pour se rendre compte, le nucléaire produisait quant à lui 537,7 TWh, soit un chouïa plus. (chiffres bilan électrique RTE 2019)
La sortie des énergies fossiles concerne aussi bien les particuliers que les entreprises : le tertiaire, l’industrie, et les services publics doivent eux aussi, assumer et assurer leur transition. Les consommations dont nous parlons ici (32% pour le tertiaire et 28% pour l’industrie – chiffres INSEE 2020) n’ont pas de commune mesure avec le parc résidentiel (36%). L’industrie à elle seule consomme 40% du gaz naturel total disponible en France (chiffres clefs de l’énergie 2021). Les efforts doivent être globaux et venir de tous les acteurs présents sur le territoire français.
Comment s’inscrire dans la transition énergétique de manière concrète en tant que citoyen ?
Les ménages sont au cœur de l’étude menée par RTE sur l’électrification de la France d’ici 2035.
Pour les besoins de l’enquête, leur perception des paysages énergétiques actuel et futur, ainsi que leurs pratiques et leurs projets ont été analysés.
Il en ressort plusieurs paradoxes entre les représentations et les réalités que peuvent expérimenter les Français par rapport aux énergies et aux efforts qu’ils sont prêts à appliquer.
Si l’énergie solaire est appréciée par 2/3 d'entre eux, ils ne sont plus que la moitié à considérer positivement le nucléaire. Néanmoins, malgré cette désaffection, la dimension décarbonée de cette énergie et son intérêt dans le processus de transition énergétique est reconnue collectivement. Il en va de même pour l’énergie éolienne, pourtant renouvelable, qui déplait à 1 personne sur 3.
D’après l’analyse de RTE, il existe trois niveaux d’engagements que peuvent porter les Français dans le projet de la transition énergétique à l’échelle du pays :
Le premier niveau est accepté et même déjà appliqué. Nous parlons ici de gestes simples mis en place au quotidien et de manière non contraignante, comme programmer le thermostat de son logement, ou encore de remplacer un équipement peu coûteux. Mis en place récemment, ce changement de comportement a notamment été constaté lors du dernier hiver, où la baisse de la consommation nationale a été de l’ordre de 9% en moyenne.
Le second niveau exige davantage d’investissements, tant dans l’état d’esprit que financièrement : il s’agit par exemple de se passer de son véhicule pour les trajets domicile-travail, et d’en réduire la taille – convenir d’une citadine et non d’un SUV. Cela peut également se traduire par des travaux de rénovation énergétique plus onéreux.
Malheureusement, pour 94% des Français, ce qui bloque les travaux, ce sont leur coût. Aussi, la méconnaissance des aides disponibles participe à cette réticence. En ce qui concerne les mobilités douces, les Français sont prêts à fournir plus d’efforts si les moyens sont mis en place et développés pour rendre accessibles et agréables les modes de locomotion alternatifs. Cela passe notamment par une offre de transport en commun suffisante et abordable, ou encore par l’augmentation du nombre de pistes cyclables et des infrastructures dédiées aux bicyclettes.
Le troisième niveau enfin, connait des freins idéologiques, par rapport à la conception qu’on les Français de leur mode de vie : habitat collectif, réduction de la taille du logement, absence totale de véhicule… Ces éléments ne sont pas pour l’heure, encore envisageables pour bon nombre d’habitants, car ils ne sont pas ancrés culturellement.
Pour l'heure, 75% de la population trouve impensable de se passer de voiture. Il est également indispensable, avant d’entreprendre des démarches à ce stade, que toutes les strates, y compris les plus riches, participent à hauteur de leurs revenus et de leur empreinte écologique, à la transition énergétique. Il en va de même pour les entreprises, qui consomment autrement plus largement d’énergies fossiles que les ménages.
Quels sont les freins que rencontrent les Français dans leur démarche de transition énergétique ?
La prise de conscience de la part du public est établie. La population française connait l’urgence climatique. Néanmoins, des freins existent bel et bien dans le parcours de chacun pour atteindre les objectifs précités.
Au travers du rapport publié par RTE, il apparait que l’aspect économique est la clef de voute des problématiques liées à la transition énergétique. Il prime sur l’aspect écologique. Cependant, il existe le paradoxe suivant : malgré ce frein économique, la majorité des Français est consciente de l’urgence écologique et considère même que des actions rapides et fortes doivent être menées, même si celles-ci entrainent des sacrifices sur le plan financier. Elle le pense encore plus lorsqu’il s’agit d’entreprises. C’est donc aussi la justice sociale qui est recherchée dans la transition énergétique.
Malgré la rentabilité sur le long terme des aménagements de performances énergétiques, le coût initial des travaux est un frein pour sauter le pas. Les Français ayant répondu à l’enquête de RTE mentionnent entre autres une mauvaise information concernant les aides dont ils peuvent bénéficier. Il est vrai que de nombreuses arnaques visant les installations de PAC notamment, n’encouragent pas à entreprendre des travaux si l’on n’est pas absolument au courant des démarches à entreprendre.
Le rôle des pouvoirs publics sur ces chantiers est donc clair. Il faut accompagner (comme c’est déjà le cas et poursuivre les efforts en ce sens) la population vers des solutions individuelles bas carbone ; tout en développant les moyens de production propres eux aussi.
Quels rôles vont jouer les pouvoirs publics dans la nécessaire transition énergétique en France ?
Les comportements et changements individuels sont inhérents à la réalisation rapide de la transition énergétique en France, mais ce sont les décisions prises par les pouvoirs publics qui scelleront l’atteinte effective des objectifs fixés.
L’éolien terrestre et le solaire seront logiquement les moyens les plus utilisés pour parvenir à cette transition, si tant est que les conditions de construction des parcs s’accélèrent drastiquement d’ici 2025.
La France est le seul pays d’Europe n’ayant pas atteint ses objectifs en matière de production d’énergies renouvelables en 2020. Les projets éoliens par exemple, prennent 3 à 4 ans dans les différentes pays de l’Union, et 8 à 10 ans en France. Il est fondamental de réduire ces délais, sans pour autant sacrifier des espaces naturels, sans quoi nos ambitions en termes de développement des énergies durables se verront inachevées. Il est d’ailleurs important que les projets voient le jour partout en France, alors qu’actuellement les projets souvent rassemblés au nord-ouest du pays.
L’étude de RTE mentionne également l’optimisation des moyens de production nucléaire actuels. Les réacteurs de première et seconde générations, qui ont pour la plupart une quarantaine d’années, devraient être exploités pendant encore au moins 20 ans. La problématique réside dans le coût des réparations et d’entretien de ces structures, qu’il ne serait néanmoins pas envisageable ni de laisser en l’état pour des raisons de sécurité, ni d’arrêter pour des questions économiques et de moyens humains (mais au fait, comment démantèle-t-on une centrale nucléaire ?)
La volonté du gouvernement d’accélérer la construction de réacteurs EPR plus simples et de moins grande envergure a de quoi séduire - le nucléaire est une énergie décarbonée - mais également de questionner. L’EPR de Flamanville 3 qui aurait dû être construit en 5 ans pour 3,3 milliards d’euros, aura finalement (et si tout se passe bien) pris 17 ans et coûté 19,1 milliards d’euros selon la cour des comptes. Les calculs sont pas bons Kevin, va falloir me revoir tout ça pour les prochains.
Vous l’aurez compris, les enjeux sont essentiels, et comme le souligne sur près de quarante pages le rapport de RTE, il existe "quelques degrés de liberté dans le choix politique et les solutions (a apporté) mais peu de marges de manœuvre"