Après plus d’une année de crise de l’énergie sans précédent, RTE dresse le bilan électrique français pour l’année 2023, et ma foi, c’est plutôt pas mal, voire encourageant.
Avant tout, rappelons que RTE (Réseau de Transport d’Electricité) est le gestionnaire des lignes à haute tension du réseau électrique français. C’est lui qui fait le lien entre les centrales de production et les grands centres de consommation, avant que l’électricité ne soit distribuée dans les foyers et autres infrastructures, et qu’Enedis – le gestionnaire des lignes de moyenne tension – ne prenne le relais. Il s’agit dont d’un acteur incontournable du monde de l’électricité en France, qui maitrise assez bien son sujet.
Tous les ans donc, RTE rédige un rapport sur l’état de la production électrique en France. Voyons voir ce que nous a réservé l’année 2023.
Une situation nettement améliorée depuis 2022
Le premier constat du bilan électrique de RTE pour 2023, c’est que la situation s’est sensiblement corrigée. La France et l’Europe ont connu une crise de l’énergie sans précédent entre le dernière trimestre 2021 et la fin d’année 2022. La faute à la reprise économique post Covid, à l’état d’usure des réacteurs nucléaires et à la guerre en Ukraine, pour faire simple. Ces trois facteurs mis bout à bout ont affolé les cours des marchés et ont provoqué un emballement des prix de l’électricité (dont le MWh a pu dépasser 1000€ - contre moins de 100€ avant la crise.) Malgré cette crise, la France n’a jamais connu de black-out : de rupture d’approvisionnement. Le pays a donc su faire preuve de résilience.
Depuis l’année dernière, le nucléaire a augmenté sa capacité de production sans pour autant retrouver son niveau historique. On peut dire que le secteur renoue avec sa situation d’avant crise.
L’hydraulique a lui aussi bien redressé la barre. Souvenez-vous : 2022, en plus des quelques mésaventures décrites plus haut, la France fait face à une canicule sévère et clairement moins de précipitations qu’en temps normal. Cette situation entraîne une conséquence logique sur les barrages hydroélectriques : sans eau c’est moins pratique de les faire fonctionner. En 2023, la pluviométrie a permis de reprendre une production intéressante. Entre 2022 et 2023, la progression de l’hydraulique est de 9,2 TWh.
En 2023, la France retrouve quasiment ses niveaux de production d’antan (c’était mieux avant, ça marche uniquement pour la production d’électricité). Le pays redevient le plus gros exportateur d'électricité à l’échelle de l’Europe, alors qu’en 2022, il avait été importateur net : une première depuis 1980 (quand on vous dit que c’était la galère cette année).
A l’intérieur du pays, c’est néanmoins plutôt l’inverse qui s’observe. Tant pour les ménages que pour les professionnels, on note une baisse de la consommation finale : -3.2% en 2023 par rapport à 2022, soit 44,5 TWh. A plus long terme, c’est une baisse moyenne de 6,9% par rapport à la période 2014-2019. C’est chez les grands consommateurs et les industriels que cette baisse est la plus visible, puisque ce sont eux qui consomment le plus, avec une baisse de 27%.
Cette sobriété semble avoir été motivée par plusieurs facteurs, qui ne sont pas tous l’attrait pour l’environnement malheureusement. Mais bon on prend quand même si le résultat est là. L’aspect financier est évident, puisque les prix ont eu tendance à s’ambiancer pendant cette période, comme on vous l’a dit en début d’article (suivez un peu s’il vous plaît).
Cette baisse de consommation trouve aussi une partie de son explication dans la douceur du climat. L’année 2023 est la seconde la plus chaude jamais enregistrée.
Ce retour à la normale entre production et consommation a entrainé une baisse logique des prix sur les marchés. En 2023, l’offre et la demande s’équilibre à nouveau. Le prix spot est repassé en quelques mois de 276€/MWh en 2022 à 97€/MWh en 2023 en moyenne. Cette situation s’observe aussi bien sur les marchés à terme qu’au spot.
Pour résumer, la production électrique de 2023 augmente de 11% par rapport à l’année précédente et atteint 494,3 TWh. Elle reste cependant en dessous des niveaux de productions historiques. Le nucléaire a produit 41,5 TWh de plus qu’en 2022. Et pour cause, la disponibilité du parc est passé de 54 à 63 % par rapport à l’année précédente.
Des nouvelles plutôt sympa donc.
La part inédite des énergies renouvelables dans le mix énergétique français
Le deuxième constat du bilan électrique de RTE pour 2023, c’est que les énergies renouvelables progressent de manière inédite.
On assiste à des niveaux records de production d’électricité issue du renouvelable : l’éolien atteint ainsi 50,7 TWh et le photovoltaïque 21,5 TWh.
Ce constat peut s’étendre à l’ensemble de l’Europe : les énergies renouvelables s’accélèrent partout et représentent actuellement à l’échelle du continent, presque la moitié de la production d’électricité.
En l’espace de 10 ans, le solaire et l’éolien sont passés de 9% à 23% dans le mix énergétique européen. L’éolien a même dépassé l’hydraulique en termes de production. En France, on y arrive quasiment : l’hydraulique représente 11,9% de la production et l’éolien 10,2%.
On assiste également à une accélération relative mais notable du nombre d’installations de structures photovoltaïques, en passant de 2,7 GW en 2021 et 2022 à 3,5 GW pour l’année 2023. La filière produit en 2023 21,5 TWh, soit 4,3% du mix final.
En parallèle, le thermique est à son plus bas niveau depuis 2014. La part du fossile a baissé de 34%. Le charbon est désormais un détail du mix énergétique français, puisqu’il ne représente plus que 0,17% du mix. Hip hip ! (Il faut répondre Hourra).
La production éolienne supplante donc celle du charbon, et ça c’est une très bonne nouvelle, même si c’était pas trop tôt quand même (no offense Pierre Bachelet). Malgré ce constat intrinsèquement vertueux, mon tempérament rabat joie me force à vous dire que la capacité du parc éolien installé à fin 2023 est inférieure de presque 10% (9,54%) par rapport aux projections de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour la période 2019-2028. Il manque un dernier coup de fouet pour les cinq années à venir afin d’atteindre notre objectif en matière d’énergie éolienne.
Des émissions de gaz à effet de serre au plus bas
Le troisième constat du bilan électrique de RTE pour 2023, c’est que cette augmentation de la part du renouvelable dans les différents mix énergétique européen entraine une baisse spontanée des émissions de gaz à effet de serre. On assiste à une progression générale de toutes les filières décarbonées. Pour rappel, le nucléaire est une énergie décarbonée.
Les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont au plus bas depuis les années 1950 : c’est l’avalanche aux bonnes nouvelles. C’est pour moi c’est cadeau.
C’est pas pour craner, mais la France émet 10 fois moins de gaz à effet de serre que l’Allemagne et 8 fois moins que l’Italie.
Alors oui, le nucléaire pose d’autres questions et soulève d’autres problématiques, mais dans un contexte où la réduction de nos émissions de GES est une urgence, le nucléaire est bien placé pour remplir cette mission. Notre taux de décarbonation est en France de 92,2%.
Les émissions de GES liées à la production d’électricité ont diminué de 32% et de 46% pour la consommation en France en 2023, par rapport à 2022. Cette évolution s’explique en autres (on va voir qui a vraiment suivi et celleux qui dorment au fond de l’ordinateur…) parce qu’en 2022 la France a dû importer de l’électricité de chez ses voisins et que chez les autres, c’est plus carboné que chez nous.
Tous les chiffres et les illustrations (sauf les memes) proviennent du site de RTE et de leur bilan annuel électrique pour l'année 2023.